COMMUNICATION SUR L’HISTOIRE DU PEUPLE NATEMBA
(Séminaire Natemba de Bagapodi : 22-24 Février 2012)
Marcus Boni TEIGA, Ecrivain-Journaliste
Email : bonimarcus@gmail.com ou fondationteiga@yahoo.fr
L’histoire contemporaine des Natemba se confond à celle de l’ensemble des autres peuples de l’Atacora. Car les Natemba d’aujourd’hui sont le produit de multiples métissages avec ces peuples-là, et bien au-delà. Elle est le résultat des conflits et autres migrations qui les ont conduit, avec les Gourmantchéba, les Batamariba, les Waaba, les Berba, les Bèbèribè notamment à quitter plus récemment le Burkina Faso par vagues successives pour s’installer dans le massif de l’Atacora à partir du 16ème siècle. Cela remonte à l’époque où les jihadistes de l’empire du Mali avait jeté leur dévolu sur les peuples du Gourma, dans la région de Fada N’Gourma, au Burkina Faso. C’est donc le refus de la soumission et de la conversion à une autre religion que la leur (la religion animiste) qui a entraîné ces peuples à quitter leur foyer du Gourma.
En l’étape actuelle de mes recherches, il m’est difficile de dire de façon formelle les itinéraires qu’ils ont suivis du Gourma pour la plaine de Tanguiéta et l’intérieur du massif de l’Atacora. Des documents et sources auxquels j’ai pu accéder, toutes les vagues n’ont pas emprunté le même itinéraire. Certains ont traversé la Pendjari pour se retrouver dans l’actuelle commune de Matéri vers Tchankossi, d’autres ont transité par Kollégou et Batia, d’autres encore sont passés par Mandouri au Togo*1.
Aussi bien des groupes Natemba, Batammariba que Waaba sont passés par la commune de Cobly pour aller s’installer au-delà de la montagne. La séparation des groupes Natemba et Batammariba s’est faite dans l’arrondissement de N’Dahonta après laquelle la première halte des Batammariba fut Koubentiégou*2.
L’histoire ancienne des Natemba est beaucoup plus complexe et incertaine sur beaucoup de points, faute de documents écrits et de sources orales fiables d’époque. Je m’évertue donc depuis une vingtaine d’années à faire des recherches sur cet aspect de l’histoire des Natemba. Et depuis près de deux ans, grâce à Internet, aux documents d’histoire et d’archives coloniales, je pense avoir réussi à restituer une histoire générale des Somba et les autres peuples de l’Atacora. Car, je me suis rendu compte que je ne pouvais dissocier l’histoire des Natemba de celle des autres peuples du massif de l’Atacora.
Je peux aujourd’hui affirmer, sans grand risque de me tromper, que les Batammariba, les Natemba et même les Batombou sont à l’origine un seul et même peuple. Le récit selon lequel les Batammariba ont été les premiers à quitter leur pays d’origine et qui par conséquent fait des Natemba des Bayoubomè*3 est vraie. Mais contrairement à une idée reçue et transmise de génération en génération, ce récit remonte à leurs origines très lointaines, c’est-à-dire à la Nubie antique. Pour mieux situer ce territoire, il faut dire qu’il englobe le Soudan du Sud et du Nord et ce qu’on appelle la Région des Nations, Nationalités et Peuples du Sud en Ethiopie. Laquelle région faisait partie des deux Soudan avant sa conquête par Ménélik II d’Ethiopie.
Je vais, peut-être, surprendre, voire choquer beaucoup de gens aujourd’hui si j’affirme que les Batammariba, les Natemba et les Batombou appartiennent tous à un seul et même peuple. Et quand je dis Batombou, j’entends par-là la lignée des Wassangari qui fonda les royaumes Batombou. Ils sont tous originaires du Soudan. Au cours de mes recherches, plusieurs personnes d’un âge très avancé m’ont confirmé que du temps de leurs pères, les chefs Tata de Tayacou envoyaient des émissaires aux rois de Nikki qui se faisaient représentés à Tayacou à l’occasion des grands rituels et inversement les chefs Tata de Tayacou assistaient aux grands rituels à Nikki, à l’exemple de la Gaani*4.
De l’origine des Natemba et leurs migrations en Afrique de l’Ouest
Je vais me permettre ici de donner un aperçu synoptique de l’origine des Somba et de leur arrivée en Afrique de l’ouest. Vous voudriez donc bien souffrir encore quelque temps que je complète mes investigations, pour vous livrer le résultat de mes travaux dans un livre dont la parution est prévue avant la fin de l’année. Je ne voudrais pas trahir le contenu du livre avant, mais je vous en donnerai quelques éléments d’appréciation.
J’ai dit tantôt que les Natemba, Batammariba et Batombou (Wassangari) sont un même et seul peuple au départ. C’est une armée de conquérants de ces peuples qui, au 5ème siècle après Jésus Christ ont entrepris une conquête vers l’Ouest du Soudan sous la direction de Kissira (l’ancêtre des Bariba ou Batombou), mais avec comme chef d’Etat-major Mesi*5 (l’ancêtre des Natemba) avec la bénédiction du roi de Méroé.
L’expédition de cette armée de conquérants a donc transité par le Lac Tchad, suivi le fleuve Bénoué pour arriver dans le delta du Niger au Nigeria. Là, ils ont trouvé d’autres peuples qu’on appelait les Ooyelagbo et les Ouorou. Les Ooyelagbo étaient les premiers à s’y installer suivis par les Ouorou. Ces derniers étaient en fait les ancêtres des Batammariba partis plus tôt du Soudan. Ils étaient ainsi dénommés en référence à l’ancien dieu Ouorou qu’ils adoraient cependant que les Boroba ou Bariba qui venaient d’arriver adoraient le nouveau dieu Koumon de Méroé et qui faisait partie du grand groupe Ouorou.
A la rencontre des deux clans frères du Sobat, ils ont décidé de fusionner et d’adjoindre le peuple Ooyelagbo qui est un groupe Kwa*6 à la nouvelle communauté qu’ils voulaient fonder. Les Ooyelagbo ont accepté le principe de vivre ensemble avec les Ouorou et Koumon-Ouorou, mais à la condition expresse qu’ils en prennent le leadership étant donné qu’ils sont les premiers à arriver sur cette terre. Mais les cavaliers Boroba ou Bariba qui venaient d’arriver ne voulaient pas l’entendre de cette oreille et il s’ensuivit une guerre éclata pour le contrôle du pouvoir. Les Koumon-Ouorou et les Ouorou aidés en plus par les Noupe auront finalement le dessus sur les Ooyelagbo et vont ainsi créer la première cité-Etat d’Ille-Ifè.
Les documents historiques et les sources orales auxquels j’ai eu accès concernant le peuplement du delta du Niger au Nigeria sont muets sur les raisons du départ du groupe de Kissira et celui du Prince Nana ou Nama pour fonder respectivement les royaumes de Boussa au Nigeria et de Diamaré au Niger. Une chose est sûre, ce sont les descendants du Prince Nana ou Nama qui vont plus tard conquérir le Gourma entre le 13ème et le 14ème siècles sous le nom de Nanoumba ou Bourtchimba ou Burcimba avant de s’établir définitivement dans le Nord du Ghana, à Pugsa ou Pusiga près de Bawkou d’abord. A la mort du roi qui les y a conduits, la famille royale s’éclatera en trois dynasties, créant ainsi les royaumes Mamproussi-Dagomba et Nanoumba.
En analysant les événements de cette époque, je suis parvenu à la conclusion que le groupe de Natemba et de Batammariba qui se trouve actuellement dans le massif de l’Atacora appartient à la dynastie des Mamproussi de Gambaga. Il a donc quitté le Nord du Ghana pour retourner dans le Gourma au Burkina suite à la querelle de succession. Bien qu’il existe une légende à ce propos, en l’étape actuelle de mes recherches je ne suis pas encore parvenu à déterminer les vraies raisons qui ont motivé ce départ.
Sous les Askia Daoud qui régna sur l’empire Songhaï de 1549 à 1582 et Askia Ishak II qui régna de 1588 à 1591, puis plus tard sous la pression des Peulh islamisé du Mali, les Natemba, les Batammariba, les Waaba, les Berba vont décider de quitter le Gourma plutôt que de se soumettre et de s’islamiser. C’est ainsi qu’ils vont définitivement s’établir dans l’Atacora.
Ce dont je suis certain aujourd’hui est que Natemba, Batammariba et Batombou sont un seul et même peuple. Les Natemba et les Batammariba sont issus des Wassangari qui ont conquis le Nord du Ghana, et plus précisément de la dynastie des Mamproussi cependant que les Batombou sont issus des Wassangari qui ont conquis le Borgou qui est partagé entre le Bénin et le Nigeria. Il me reste certains aspects de l’histoire des autres peuples de l’Atacora à élucider, et sous réserve de confirmation mes investigations m’indiquent que certains sont issus de métissages et d’autres de la dispersion des Wassangari consécutive à la bataille de succession qui a scindé ces conquérants étrangers en trois dynasties au Nord du Ghana. Mais tout cela reste à confirmer par de nouvelles investigations de terrain.
Conclusion
Je vous promets des révélations historiques au-delà de ce que vous pourriez soupçonner bientôt ! Car j’ai fait d’étonnantes découvertes. J’ai réussi à trouver quelques codes qui nous empêchent d’en savoir davantage sur l’histoire de nos peuples, mais il y en a bien d’autres que j’essaie de décrypter encore. Souffrez donc que je les garde d’abord pour moi-même certains éléments de mes découvertes en attendant des investigations complémentaires jusqu’à la publication de mon livre. Ce travail prend du temps et nécessite de prendre des précautions pour ne pas faire précipitamment des révélations qui pourraient s’avérer inexactes. Néanmoins, à la lumière de mes recherches, je peux affirmer que les langues Nateni, Otammari et Batonnou sont dérivées de l’ancienne langue des pharaons noirs et rois de Méroé et de Napata, c’est-à-dire le Nara.
Je ne le dirai jamais assez, je ne suis pas historien mais un grand passionné d’histoire. Autant des spécialistes pourraient sont en droit d’être prudents sur mes révélations, autant même les plus sceptiques finiront par me donner certainement raison le moment venu, tout au moins sur l’essentiel de mes travaux. J’en profite d’ailleurs pour inviter tous ceux que leur histoire passionne à entreprendre des recherches pour que nous puissions avoir différents résultats à confronter plus tard. C’est de cette façon que nous pourrions avancer plus rapidement dans la connaissance du passé de nos peuples. Je crois fermement enfin qu’avec une équipe composée de toutes les ethnies de l’Atacora et de toutes les compétences en la matière, il sera possible aux peuples de l’Atacora de récupérer et de sauvegarder l’essentiel de leur histoire pendant qu’il est encore temps. Car j’ai eu la preuve que tous nos peuples n’ont pas perdu tout leur patrimoine lexical ancien, malgré des siècles passés. Aussi, une collaboration sous régionale dans la recherche, mais interactive et décomplexée avec les populations concernées serait-elle bénéfique pour l’histoire et pour tous.
Bibliographie et Sources
1*Rapport de travail sur les zones éco-fonctionnelles de la Réserve de la Biosphère de la Pendjari
2*Chambény Lucien, Regards sur les peuples autochtones de l’Atacora, www.diocese-natitingou.net
3*Bayoubomè : ceux qui sont aux Tata originels (au vieux Tata)
4*Entretiens avec Kounonta Pounfa
5*Leo Frobenius, Borgu History, The Voice of Africa, 1913
6*Kwa: les langues Kwa sont parlées au sud du Ghana, de la Côte d’ivoire, du Togo, du Bénin, du Nigeria ; mais les linguistes ne sont pas unanimes sur cette catégorisation. Le Yorouba et l’Ibo en font partie.
Bonsoir grand frère Marcus. Je viens de lire dans Histoire des Togolais de Théodore Nicoué gayibor, un pan de l'histoire des natemba qui rejoint votre thèse de l'origine maproussienne. Avez vous connaissance du livre?
RépondreSupprimerDr N'koué Emmanuel SAMBIENI
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